Difference between revisions of "The Oporinus Letter, ed. Roch Le Baillif (1579)"

From Theatrum Paracelsicum
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[p. 56] Traduction de ce que l´on a peu trouuer de la vie de Paracelse.
[p. 56] Traduction de ce que l´on a peu trouuer de la vie de Paracelse.
Mais par ce que à l´aduenture tous les sectateurs de la doctrine de Paracelse ne sçauent pas le vray discours de la vie & legende de leur sainct & patron, l´ay pensé qu´il ne seroit point hors de propos d´adiouster icy certains passages recueillis de plusieurs excellens personnages, sur ceste materie: entre autres d´Erastus, lequel racomptant ce que Craton Medecin de l´Empereur Ferdinand luy auoit recité autresfois parle comme s´ensuit par la bouche dudict Craton.
Mais par ce que à l´aduenture tous les sectateurs de la doctrine de Paracelse ne sçauent pas le vray discours de la vie & legende de leur sainct & patron, l´ay pensé qu´il ne seroit point hors de propos d´adiouster icy certains passages recueillis de plusieurs excellens personnages, sur ceste materie: entre autres d´Erastus, lequel racomptant ce que Craton Medecin de l´Empereur Ferdinand luy auoit recité autresfois parle comme s´ensuit par la bouche dudict Craton.
<b>I´ay entendu</b> disoit il de Iehan Oporin (lequel estoit Imprimeur à Basle tresdocte & fort prud´homme qui auoit esté clerc de Paracelse [p. 57] long temps escriuant soubs loy) <b>que iamais il ne se mettoit à expliquer ses saincts mysteres sinon apres auoir bien beu, & comme au milieu du poelle s´appuyant contre vn pilier comme vn homme incensé, & saisi d´vn esprit fanatique rendoit ses oracles tenant la main sur la poignee de son espee, au creux de laquelle estoit caché cest esprit familier par lequel il deliuroit les hommes que luy mesme auoir ensorcelez. Et en autre lieur recitoit aussi le mesme Oporin: Ie n´ay peu oncques appercuoir en ce Personnage aucune marque d´homme docte par l´espace de deux ans que i´ay demeuré auec luy, ains estoit nuict & iour ou yure, ou en train de s´en yurer: Tellement que tout ce temps durant, ie ne l´ay peu oncques veoir vne seule heure estre sobre & attrempé: Et</b> [p. 58] <b>combien que iusques à l´aage de vingt cinq ans il n´eust gousté vin, Si est ce que puis apres pour s´en reuancher il s´accoustuma si bien au gobelet qu´il passoit toutes les nuicts à boire & assailloit les villageois à plains pots ne trouuant verre ny hanap assez grand ne suffisant pour assouuir son gozier alteré. Puis apres s´estre bien rempli de vin en mettant seulement le bout du doigt dans la bouche faisoit incontinant restitution à son hoste, de ce qu´il auoit trop prins. Et au mesme instant, comme s´il n´eust gousté vin de tout le iour rentroit en danse & recommençoit son yurongnerie. Durant tout le temps que ie demeuray auec luy il ne se deshabilla oncques pour se coucher, & ne sçay pourquoy, si ce n´estoit de force qu´il estoit yure. Ordinairement il ne se retiroit qu´il ne fut mynuict</b> [p. 59] <b>passé, & tousiours bien abbreuué selon sa coustume: Où estant arriué se iectoit sur sa couche tel qu´il estoit auec son espee à deux mains pres de luy, laquelle il aymoit & prisoit fort pour auoir esté à vn executeur de haulte Iustice: & d´icelle toute nue apres auoir vn peu dormi s´escrimoit par la chambre sans lumiere à l´espreuue & dommage des licts tables, landiers, parois, & tout ce qui luy venoit au deuant, me donnant telles affres qu´vn iour ie n´attendoy pas moins qu´il ne me veint coupper la teste. Ie l´ay veu maintes fois si desnué d´argent que au soir il n´auoit pas vn denier: neantmoins le lendemain matin il faisoit monstre d´vne grosse bource, si bien fournie que ie ne me pouuois asses esmerueiller d´où luy estoit peu venir en si peu de temps telle somme. Ie ne le veiz</b> [p. 60] <b>ou entendis oncques prier Dieu ou se soucier des ceremonies de l´Eglise Catholique, encores moins du Lutheranisme qui lors commençoit à s´espandre par nostre pays. Que si on luy parloit quelquefois de religion, il disoit qu´vn iour il rangeroit le Pape & Luther comme il auoit faict Galien & Hippocrate, & les acoustreroit bien, ausquels il auoit faict perdre tout credit: & que tous ceux qui auoient escrit sur la saincte escripture tant anciens que modernes s´estoient seulement amusez à l´escorce & non penetré iusques à la moelle & tiré le noyau  d´icelle.</b> Quelque peu apres dit ainsi le susdit Oporin. Le mesme en a escrit Henry Bulinger en ceste façon: I´ay conferé disoit il, deux ou trois fois auec Paracelse de plusiers & diuers points, voire de la religion & [p. 61] de tous ces propos ie n´ay peu recueillir vn seul mot de pieté mais de Magie beaucoup. A le veoir vous l´eussiez plustost iugé Chartier que Medecin tant il se plaisoit de la compaignee d´iceux: & de son viuant comme il fut logé à l´hostellerie de la Cignogne il guettoit tous les Chartiers qui venoient à ce logis, & auec eux gorumandoit & yurongnoit si bien que n´en pouuant plus, estoit contraint s´aller estendre sur le plus prochain banc qu´il trouuoit pour reposer son vin & par le sommeil descharger vn peu son cerueau. Plus ample mention fait de luy le mesme Oporin en certaine epistre à Vvierus en ces termes, <b>Ie m´esbahy chaque fois que i´entens tant de liures auoir esté escrits par Paracelse esquels ie croy que iamais il ne songea ny veillant ny dormant, comme</b> [p. 62] <b>celuy qui durant l´espace de deux ans que ie demeuré auec luy estoit incessament & nuict & iour remply de vin: mais ie ne sçay comment tout d´vn coup estant party de Basle, il vient en admiration entre les gentilshommes d´Alsatie comme vn second Aesculape. Or sa maniere de composer estoit que le soir s´en reuenant à la maison lors qu´il estoit le mieux enyuré il me dictoir quelque chose sur sa Philosophie, qui estoit ne plus ne moins cousu & repetassé que quand il estoit en sens rassis: Car aussi sage estoit il sobre comme yure. Puis apres ce qu´il auoit dicté en langue vulgaire me le commandoit rendre en Latin. Ce que ie faisois au moins mal que ie pouuois. Et on esté ainsi ces liures traduits en partie de moy en partie d´autres, puis imprimez, il</b> [p. 63] <b>auoit tousiours son fourneau allumé & prest à fondre quelqu´vne de ses drogues, ausquelles il donnoit des noms estranges comme Alcool, huile de sublimé, Roy precipité, guile d´arsenic, saffran de Mars, d´orodolthor admirable, & ie ne sçay quels autres semblables breuuages. Certainement vn iour il me cuida faire estouffer, m´ayant dict que ie regardasse ses esprits dans L´alambic duquel m´estant approché trop pres, vne vapeur venimeuse me veint tellement fraper le cerueau que ie tumbay tout pasmé & me falut faire reuenir à force d´eau froide. Il faisoit semblant de deuiner & auoir la cognoissance de plusieurs secrets si bien que ie n´osay mesme en cachette rien entreprendre, de peur qu´il ne le sceut par la reuelation de ses esprits. Chasque mois presque, il fai-</b> [p. 64] <b>soit faire des accoustremens neufs, & bailloit ceux qu´il rencontroit: Mais si salles & vilains que ie ne luy en voulus onque demander aucun. Et quant bien il m´en eust offert, ie n´en eusse voulu prendre. A la guarison des vlceres voire les plus malings il faisoit presque miracle & ce sans ordonner aucun regime devie, ains yurongnoit nuict & iour auec ses malades disant que plus heureusement il les guarissoit lors que luy & eux estoiant bien saouls. Pour tout remede il n´vsoit que de la pouldre du precipité, de la theriaque, & mithridat, & de quelque ius de cerises & de prunelles qu´il reduisoit en pillules. Outre iceux il auoit encores son laudanum, qui estoit de petites pillules en forme de crottes de Rat, lesquelles il ordonnoit en nombre</b> [p. 65] <b>imper, & ne les vsurpoit sinon en cas de necessité, se vantant par la prise d´icelles qu´il pouuoit ressusciter vn mort, & que par la vertu d´icelles apres son decés luy mesme ressusciteroit.</b> Or pour tesmoignage de sa vanité peut seruir encores, la multitude des noms qu´il se donnoit tantost, s´appellant Paracelse, tantost hohanhehin, tantost Bombast. Noms inconnuz en son païs de Suisse, tantost Theophraste, tantost Aureolus, tantost prince, frere, Monarque de toute science, tantost docteur de l´vne & l´autre medecine, combien que au commencement il n´eust autre nom que Philippes, lors que (comme disent aucunt) il fut pris petit garson gardant les oyes en Charinthe par vn gendarme & chastré. L´on peut penser à quelle fin, luy mesme con- [p. 66] fesse auoir esté detenu, prisonnier pour meurtre, & auoir esté instruit du diable, & que iamais nul ne sera bon medecin s´il n´est magicien.
I´ay entendu disoit il de Iehan Oporin (lequel estoit Imprimeur à Basle tresdocte & fort prud´homme qui auoit esté clerc de Paracelse [p. 57] long temps escriuant soubs loy) que iamais il ne se mettoit à expliquer ses saincts mysteres sinon apres auoir bien beu, & comme au milieu du poelle s´appuyant contre vn pilier comme vn homme incensé, & saisi d´vn esprit fanatique rendoit ses oracles tenant la main sur la poignee de son espee, au creux de laquelle estoit caché cest esprit familier par lequel il deliuroit les hommes que luy mesme auoir ensorcelez. Et en autre lieu recitoit aussi le mesme Oporin: <b>Ie n´ay peu oncques appercuoir en ce Personnage aucune marque d´homme docte par l´espace de deux ans que i´ay demeuré auec luy, ains estoit nuict & iour ou yure, ou en train de s´en yurer: Tellement que tout ce temps durant, ie ne l´ay peu oncques veoir vne seule heure estre sobre & attrempé: Et</b> [p. 58] <b>combien que iusques à l´aage de vingt cinq ans il n´eust gousté vin, Si est ce que puis apres pour s´en reuancher il s´accoustuma si bien au gobelet qu´il passoit toutes les nuicts à boire & assailloit les villageois à plains pots ne trouuant verre ny hanap assez grand ne suffisant pour assouuir son gozier alteré. Puis apres s´estre bien rempli de vin en mettant seulement le bout du doigt dans la bouche faisoit incontinant restitution à son hoste, de ce qu´il auoit trop prins. Et au mesme instant, comme s´il n´eust gousté vin de tout le iour rentroit en danse & recommençoit son yurongnerie. Durant tout le temps que ie demeuray auec luy il ne se deshabilla oncques pour se coucher, & ne sçay pourquoy, si ce n´estoit de force qu´il estoit yure. Ordinairement il ne se retiroit qu´il ne fut mynuict</b> [p. 59] <b>passé, & tousiours bien abbreuué selon sa coustume: Où estant arriué se iectoit sur sa couche tel qu´il estoit auec son espee à deux mains pres de luy, laquelle il aymoit & prisoit fort pour auoir esté à vn executeur de haulte Iustice: & d´icelle toute nue apres auoir vn peu dormi s´escrimoit par la chambre sans lumiere à l´espreuue & dommage des licts tables, landiers, parois, & tout ce qui luy venoit au deuant, me donnant telles affres qu´vn iour ie n´attendoy pas moins qu´il ne me veint coupper la teste. Ie l´ay veu maintes fois si desnué d´argent que au soir il n´auoit pas vn denier: neantmoins le lendemain matin il faisoit monstre d´vne grosse bource, si bien fournie que ie ne me pouuois asses esmerueiller d´où luy estoit peu venir en si peu de temps telle somme. Ie ne le veiz</b> [p. 60] <b>ou entendis oncques prier Dieu ou se soucier des ceremonies de l´Eglise Catholique, encores moins du Lutheranisme qui lors commençoit à s´espandre par nostre pays. Que si on luy parloit quelquefois de religion, il disoit qu´vn iour il rangeroit le Pape & Luther comme il auoit faict Galien & Hippocrate, & les acoustreroit bien, ausquels il auoit faict perdre tout credit: & que tous ceux qui auoient escrit sur la saincte escripture tant anciens que modernes s´estoient seulement amusez à l´escorce & non penetré iusques à la moelle & tiré le noyau  d´icelle.</b> Quelque peu apres dit ainsi le susdit Oporin. Le mesme en a escrit Henry Bulinger en ceste façon: I´ay conferé disoit il, deux ou trois fois auec Paracelse de plusiers & diuers points, voire de la religion & [p. 61] de tous ces propos ie n´ay peu recueillir vn seul mot de pieté mais de Magie beaucoup. A le veoir vous l´eussiez plustost iugé Chartier que Medecin tant il se plaisoit de la compaignee d´iceux: & de son viuant comme il fut logé à l´hostellerie de la Cignogne il guettoit tous les Chartiers qui venoient à ce logis, & auec eux gorumandoit & yurongnoit si bien que n´en pouuant plus, estoit contraint s´aller estendre sur le plus prochain banc qu´il trouuoit pour reposer son vin & par le sommeil descharger vn peu son cerueau. Plus ample mention fait de luy le mesme Oporin en certaine epistre à Vvierus en ces termes, <b>Ie m´esbahy chaque fois que i´entens tant de liures auoir esté escrits par Paracelse esquels ie croy que iamais il ne songea ny veillant ny dormant, comme</b> [p. 62] <b>celuy qui durant l´espace de deux ans que ie demeuré auec luy estoit incessament & nuict & iour remply de vin: mais ie ne sçay comment tout d´vn coup estant party de Basle, il vient en admiration entre les gentilshommes d´Alsatie comme vn second Aesculape. Or sa maniere de composer estoit que le soir s´en reuenant à la maison lors qu´il estoit le mieux enyuré il me dictoir quelque chose sur sa Philosophie, qui estoit ne plus ne moins cousu & repetassé que quand il estoit en sens rassis: Car aussi sage estoit il sobre comme yure. Puis apres ce qu´il auoit dicté en langue vulgaire me le commandoit rendre en Latin. Ce que ie faisois au moins mal que ie pouuois. Et on esté ainsi ces liures traduits en partie de moy en partie d´autres, puis imprimez, il</b> [p. 63] <b>auoit tousiours son fourneau allumé & prest à fondre quelqu´vne de ses drogues, ausquelles il donnoit des noms estranges comme Alcool, huile de sublimé, Roy precipité, guile d´arsenic, saffran de Mars, d´orodolthor admirable, & ie ne sçay quels autres semblables breuuages. Certainement vn iour il me cuida faire estouffer, m´ayant dict que ie regardasse ses esprits dans L´alambic duquel m´estant approché trop pres, vne vapeur venimeuse me veint tellement fraper le cerueau que ie tumbay tout pasmé & me falut faire reuenir à force d´eau froide. Il faisoit semblant de deuiner & auoir la cognoissance de plusieurs secrets si bien que ie n´osay mesme en cachette rien entreprendre, de peur qu´il ne le sceut par la reuelation de ses esprits. Chasque mois presque, il fai-</b> [p. 64] <b>soit faire des accoustremens neufs, & bailloit ceux qu´il rencontroit: Mais si salles & vilains que ie ne luy en voulus onque demander aucun. Et quant bien il m´en eust offert, ie n´en eusse voulu prendre. A la guarison des vlceres voire les plus malings il faisoit presque miracle & ce sans ordonner aucun regime devie, ains yurongnoit nuict & iour auec ses malades disant que plus heureusement il les guarissoit lors que luy & eux estoiant bien saouls. Pour tout remede il n´vsoit que de la pouldre du precipité, de la theriaque, & mithridat, & de quelque ius de cerises & de prunelles qu´il reduisoit en pillules. Outre iceux il auoit encores son laudanum, qui estoit de petites pillules en forme de crottes de Rat, lesquelles il ordonnoit en nombre</b> [p. 65] <b>imper, & ne les vsurpoit sinon en cas de necessité, se vantant par la prise d´icelles qu´il pouuoit ressusciter vn mort, & que par la vertu d´icelles apres son decés luy mesme ressusciteroit.</b> Or pour tesmoignage de sa vanité peut seruir encores, la multitude des noms qu´il se donnoit tantost, s´appellant Paracelse, tantost hohanhehin, tantost Bombast. Noms inconnuz en son païs de Suisse, tantost Theophraste, tantost Aureolus, tantost prince, frere, Monarque de toute science, tantost docteur de l´vne & l´autre medecine, combien que au commencement il n´eust autre nom que Philippes, lors que (comme disent aucunt) il fut pris petit garson gardant les oyes en Charinthe par vn gendarme & chastré. L´on peut penser à quelle fin, luy mesme con- [p. 66] fesse auoir esté detenu, prisonnier pour meurtre, & auoir esté instruit du diable, & que iamais nul ne sera bon medecin s´il n´est magicien.
Iusques icy en racontent & ont laissé par escrit Iehan Oporin, Thomas Eraste, Iehan Craton, Bernard Dessennius & autres, dont la plus part est confirmee par Conrad Gesner illustre Medecin de Suric en sa biliothecque vniuerselle soubs le nom de Theophraste adioustant qu´il commençoit à remuer toute la Theologie. Or de sa mort il n´y a pas tant d´autheurs certains qui en deposent sinon que le bruit commun est qu´il a vescu iusques à quarante sept ans ou enuiron tousiours courant & trauersant l´Europe l´Allemagne iusques en Constantinople, & Asie. Tant qu´ayant entreprins guarir vn Gen- [p. 67] til-homme & ne le pouuant faire il fut par luy precipité d´vn escallier, les autres disent des fenestres dans les fossez dont il mourut miserablement comme il auoit vescu.
Iusques icy en racontent & ont laissé par escrit Iehan Oporin, Thomas Eraste, Iehan Craton, Bernard Dessennius & autres, dont la plus part est confirmee par Conrad Gesner illustre Medecin de Suric en sa biliothecque vniuerselle soubs le nom de Theophraste adioustant qu´il commençoit à remuer toute la Theologie. Or de sa mort il n´y a pas tant d´autheurs certains qui en deposent sinon que le bruit commun est qu´il a vescu iusques à quarante sept ans ou enuiron tousiours courant & trauersant l´Europe l´Allemagne iusques en Constantinople, & Asie. Tant qu´ayant entreprins guarir vn Gen- [p. 67] til-homme & ne le pouuant faire il fut par luy precipité d´vn escallier, les autres disent des fenestres dans les fossez dont il mourut miserablement comme il auoit vescu.

Latest revision as of 17:56, 3 September 2022

Roch Le Baillif, Traicte sur la refutation des abus mis en avant [ ... ] sur l' art signe et physiognomie herbaire, Paris: Gilles Corbin 1579, pp. 57-65

Edited by Julian Paulus

[p. 56] Traduction de ce que l´on a peu trouuer de la vie de Paracelse. Mais par ce que à l´aduenture tous les sectateurs de la doctrine de Paracelse ne sçauent pas le vray discours de la vie & legende de leur sainct & patron, l´ay pensé qu´il ne seroit point hors de propos d´adiouster icy certains passages recueillis de plusieurs excellens personnages, sur ceste materie: entre autres d´Erastus, lequel racomptant ce que Craton Medecin de l´Empereur Ferdinand luy auoit recité autresfois parle comme s´ensuit par la bouche dudict Craton. I´ay entendu disoit il de Iehan Oporin (lequel estoit Imprimeur à Basle tresdocte & fort prud´homme qui auoit esté clerc de Paracelse [p. 57] long temps escriuant soubs loy) que iamais il ne se mettoit à expliquer ses saincts mysteres sinon apres auoir bien beu, & comme au milieu du poelle s´appuyant contre vn pilier comme vn homme incensé, & saisi d´vn esprit fanatique rendoit ses oracles tenant la main sur la poignee de son espee, au creux de laquelle estoit caché cest esprit familier par lequel il deliuroit les hommes que luy mesme auoir ensorcelez. Et en autre lieu recitoit aussi le mesme Oporin: Ie n´ay peu oncques appercuoir en ce Personnage aucune marque d´homme docte par l´espace de deux ans que i´ay demeuré auec luy, ains estoit nuict & iour ou yure, ou en train de s´en yurer: Tellement que tout ce temps durant, ie ne l´ay peu oncques veoir vne seule heure estre sobre & attrempé: Et [p. 58] combien que iusques à l´aage de vingt cinq ans il n´eust gousté vin, Si est ce que puis apres pour s´en reuancher il s´accoustuma si bien au gobelet qu´il passoit toutes les nuicts à boire & assailloit les villageois à plains pots ne trouuant verre ny hanap assez grand ne suffisant pour assouuir son gozier alteré. Puis apres s´estre bien rempli de vin en mettant seulement le bout du doigt dans la bouche faisoit incontinant restitution à son hoste, de ce qu´il auoit trop prins. Et au mesme instant, comme s´il n´eust gousté vin de tout le iour rentroit en danse & recommençoit son yurongnerie. Durant tout le temps que ie demeuray auec luy il ne se deshabilla oncques pour se coucher, & ne sçay pourquoy, si ce n´estoit de force qu´il estoit yure. Ordinairement il ne se retiroit qu´il ne fut mynuict [p. 59] passé, & tousiours bien abbreuué selon sa coustume: Où estant arriué se iectoit sur sa couche tel qu´il estoit auec son espee à deux mains pres de luy, laquelle il aymoit & prisoit fort pour auoir esté à vn executeur de haulte Iustice: & d´icelle toute nue apres auoir vn peu dormi s´escrimoit par la chambre sans lumiere à l´espreuue & dommage des licts tables, landiers, parois, & tout ce qui luy venoit au deuant, me donnant telles affres qu´vn iour ie n´attendoy pas moins qu´il ne me veint coupper la teste. Ie l´ay veu maintes fois si desnué d´argent que au soir il n´auoit pas vn denier: neantmoins le lendemain matin il faisoit monstre d´vne grosse bource, si bien fournie que ie ne me pouuois asses esmerueiller d´où luy estoit peu venir en si peu de temps telle somme. Ie ne le veiz [p. 60] ou entendis oncques prier Dieu ou se soucier des ceremonies de l´Eglise Catholique, encores moins du Lutheranisme qui lors commençoit à s´espandre par nostre pays. Que si on luy parloit quelquefois de religion, il disoit qu´vn iour il rangeroit le Pape & Luther comme il auoit faict Galien & Hippocrate, & les acoustreroit bien, ausquels il auoit faict perdre tout credit: & que tous ceux qui auoient escrit sur la saincte escripture tant anciens que modernes s´estoient seulement amusez à l´escorce & non penetré iusques à la moelle & tiré le noyau d´icelle. Quelque peu apres dit ainsi le susdit Oporin. Le mesme en a escrit Henry Bulinger en ceste façon: I´ay conferé disoit il, deux ou trois fois auec Paracelse de plusiers & diuers points, voire de la religion & [p. 61] de tous ces propos ie n´ay peu recueillir vn seul mot de pieté mais de Magie beaucoup. A le veoir vous l´eussiez plustost iugé Chartier que Medecin tant il se plaisoit de la compaignee d´iceux: & de son viuant comme il fut logé à l´hostellerie de la Cignogne il guettoit tous les Chartiers qui venoient à ce logis, & auec eux gorumandoit & yurongnoit si bien que n´en pouuant plus, estoit contraint s´aller estendre sur le plus prochain banc qu´il trouuoit pour reposer son vin & par le sommeil descharger vn peu son cerueau. Plus ample mention fait de luy le mesme Oporin en certaine epistre à Vvierus en ces termes, Ie m´esbahy chaque fois que i´entens tant de liures auoir esté escrits par Paracelse esquels ie croy que iamais il ne songea ny veillant ny dormant, comme [p. 62] celuy qui durant l´espace de deux ans que ie demeuré auec luy estoit incessament & nuict & iour remply de vin: mais ie ne sçay comment tout d´vn coup estant party de Basle, il vient en admiration entre les gentilshommes d´Alsatie comme vn second Aesculape. Or sa maniere de composer estoit que le soir s´en reuenant à la maison lors qu´il estoit le mieux enyuré il me dictoir quelque chose sur sa Philosophie, qui estoit ne plus ne moins cousu & repetassé que quand il estoit en sens rassis: Car aussi sage estoit il sobre comme yure. Puis apres ce qu´il auoit dicté en langue vulgaire me le commandoit rendre en Latin. Ce que ie faisois au moins mal que ie pouuois. Et on esté ainsi ces liures traduits en partie de moy en partie d´autres, puis imprimez, il [p. 63] auoit tousiours son fourneau allumé & prest à fondre quelqu´vne de ses drogues, ausquelles il donnoit des noms estranges comme Alcool, huile de sublimé, Roy precipité, guile d´arsenic, saffran de Mars, d´orodolthor admirable, & ie ne sçay quels autres semblables breuuages. Certainement vn iour il me cuida faire estouffer, m´ayant dict que ie regardasse ses esprits dans L´alambic duquel m´estant approché trop pres, vne vapeur venimeuse me veint tellement fraper le cerueau que ie tumbay tout pasmé & me falut faire reuenir à force d´eau froide. Il faisoit semblant de deuiner & auoir la cognoissance de plusieurs secrets si bien que ie n´osay mesme en cachette rien entreprendre, de peur qu´il ne le sceut par la reuelation de ses esprits. Chasque mois presque, il fai- [p. 64] soit faire des accoustremens neufs, & bailloit ceux qu´il rencontroit: Mais si salles & vilains que ie ne luy en voulus onque demander aucun. Et quant bien il m´en eust offert, ie n´en eusse voulu prendre. A la guarison des vlceres voire les plus malings il faisoit presque miracle & ce sans ordonner aucun regime devie, ains yurongnoit nuict & iour auec ses malades disant que plus heureusement il les guarissoit lors que luy & eux estoiant bien saouls. Pour tout remede il n´vsoit que de la pouldre du precipité, de la theriaque, & mithridat, & de quelque ius de cerises & de prunelles qu´il reduisoit en pillules. Outre iceux il auoit encores son laudanum, qui estoit de petites pillules en forme de crottes de Rat, lesquelles il ordonnoit en nombre [p. 65] imper, & ne les vsurpoit sinon en cas de necessité, se vantant par la prise d´icelles qu´il pouuoit ressusciter vn mort, & que par la vertu d´icelles apres son decés luy mesme ressusciteroit. Or pour tesmoignage de sa vanité peut seruir encores, la multitude des noms qu´il se donnoit tantost, s´appellant Paracelse, tantost hohanhehin, tantost Bombast. Noms inconnuz en son païs de Suisse, tantost Theophraste, tantost Aureolus, tantost prince, frere, Monarque de toute science, tantost docteur de l´vne & l´autre medecine, combien que au commencement il n´eust autre nom que Philippes, lors que (comme disent aucunt) il fut pris petit garson gardant les oyes en Charinthe par vn gendarme & chastré. L´on peut penser à quelle fin, luy mesme con- [p. 66] fesse auoir esté detenu, prisonnier pour meurtre, & auoir esté instruit du diable, & que iamais nul ne sera bon medecin s´il n´est magicien. Iusques icy en racontent & ont laissé par escrit Iehan Oporin, Thomas Eraste, Iehan Craton, Bernard Dessennius & autres, dont la plus part est confirmee par Conrad Gesner illustre Medecin de Suric en sa biliothecque vniuerselle soubs le nom de Theophraste adioustant qu´il commençoit à remuer toute la Theologie. Or de sa mort il n´y a pas tant d´autheurs certains qui en deposent sinon que le bruit commun est qu´il a vescu iusques à quarante sept ans ou enuiron tousiours courant & trauersant l´Europe l´Allemagne iusques en Constantinople, & Asie. Tant qu´ayant entreprins guarir vn Gen- [p. 67] til-homme & ne le pouuant faire il fut par luy precipité d´vn escallier, les autres disent des fenestres dans les fossez dont il mourut miserablement comme il auoit vescu.